
Mon nom est Marie-France Chabot. Je suis née en 1950. J’ai reçu un diagnostic de cancer de la vessie envahissant le muscle, stade 2, le 12 décembre 2019.
Voici mon histoire.
Durant l’été et l’automne 2019, j’allais souvent uriner au point que mon conjoint me le faisait remarquer. Au début d’octobre, j’ai eu une très douloureuse infection d’urine. C’était un problème chronique pour moi. J’ai pris des antibiotiques que j’avais en ma possession sans passer d’examen d’urine. Ensuite, vers la mi-octobre, j’ai fait une phlébite (21 octobre) sans que des circonstances typiques puissent l’expliquer. Lorsqu’on fait une phlébite sans raison (pas de choc, pas de longue station assisse, etc.), les médecins soupçonnent qu’il y a une tumeur quelque part. Un interniste m’a fait passer des examens à la recherche d’une tumeur (mammographie, analyse des selles) et n’a rien trouvé. Il n’a pas fait passer d’examen de la vessie. Il m’a prescrit un médicament anticoagulant pour éliminer le caillot de la phlébite, à compter du 23 octobre. C’est là que je me suis mise à avoir du sang dans mes urines (hématurie macroscopique). Aussi, je saignais facilement du nez. J’ai mis tout cela sur la faute de l’anticoagulant qui était alors à forte dose.
Je n’avais aucune idée que le sang dans l’urine était un symptôme du cancer de la vessie. Je n’en avais jamais entendu parler. Je n’ai donc pas consulté toute de suite. J’avais de toute façon déjà rendez-vous avec mon médecin de famille, le 13 novembre. Rendue là, je lui ai tout raconté. Elle est passée rapidement à l’action : tests sanguins, tests d’urine, cytologie, imagerie médicale. Le 25 novembre, j’ai su qu’il y avait une lésion dans ma vessie. Ça avait tout l’air d’un cancer pour moi. Comme j’étais encore active professionnellement, à mon compte, j’ai fait le nécessaire pour fermer les dossiers ouverts et me libérer complètement à compter du Temps des Fêtes.
Le 3 décembre, le résultat de la cytologie indiquait qu’il y avait des cellules anormales. J’ai obtenu un rdv avec un urologue le 12 décembre 2019 et c’est là que j’ai reçu le diagnostic de cancer de la vessie. La tumeur était moyenne et c’était du haut grade (plus susceptible de se répandre). Le médecin a dit que les cas de cancer étaient prioritaires et que je pourrais être opérée pour enlever la tumeur dans les semaines suivantes, soit durant les Fêtes.
J’étais bien sûr sous le choc mais pas trop quand même, puisque je m’y préparais mentalement depuis plusieurs semaines. J’ai annoncé la nouvelle à ma fille. J’espérais qu’il y aurait quelque chose à faire pour m’en sortir.
Mon conjoint et moi avions des billets d’avion pour aller passer trois semaines chez notre fils qui vit aux USA, à compter du 13 décembre. Malgré que l’urologue me l’ait déconseillé, on a choisi de partir quand même pour pouvoir voir notre fils et sa petite famille avant que les événements ne nous immobilisent. Notre vol allait de Québec à Toronto et ensuite de Toronto à Seattle. En faisant escale à Toronto, j’ai constaté que j’avais reçu un appel de l’hôpital durant le trajet. On me convoquait déjà pour l’opération (résection de la tumeur par l’urètre). J’ai accepté d’être opérée le 3 janvier 2020. Cela exigeait d’être de retour pour le 20 décembre, pour passer les examens préopératoires. Voyage raccourci mais voyage quand même. Mon fils et moi on a pleuré quand je le lui ai appris.
J’ai été opérée en chirurgie d’un jour le 3 janvier 2020. Ça s’est très bien passé. Ensuite ce fut l’analyse des tissus par le pathologiste. Le rapport est sorti le 9 janvier. L’urologue m’a téléphoné le 10 janvier pour me dire que la tumeur avait envahi le muscle, que j’allais passer un TEP-scan sous peu et que je serais prise en charge par un urologue oncologue. Je lui ai demandé c’était quoi mon espérance de vie. Il n’a pas répondu et m’a référée à l’autre urologue. À ce moment-là, j’étais convaincue que je ne passerais pas l’année, que je mourrais en 2020.
Heureusement, j’avais un ami psychologue qui m’a vue une fois semaine et qui m’a aidée à avoir les bonnes attitudes, notamment : rester dans le présent, ne pas se laisser envahir par les scénarios catastrophes. Aussi, je me suis beaucoup renseignée. Je connaissais les options de traitement.
Lorsque j’ai vu l’urologue oncologue, il m’a parlé aussi de l’autre option, mais il me recommandait la cystectomie avec chimiothérapie adjuvante. Il m’a aussi proposé un protocole expérimental avec immunothérapie. J’essayais de me réconcilier avec l’idée de perdre ma vessie et de vivre avec un sac.
Grâce à des contacts faits par mon fils et son beau-père qui est cadre dans un centre de traitement du cancer aux USA, on m’a suggéré d’aller chercher une 2e opinion au sujet du traitement. J’ai donc rencontré un autre urologue à Montréal le 3 février 2020. À ma grande surprise, il m’a dit que j’étais une très bonne candidate pour une stratégie de préservation de la vessie, la thérapie tri-modale : 1) la résection de la tumeur; 2) radiothérapie; et 3) chimio pour augmenter l’efficacité de la radiothérapie. Il a dit qu’en cas de cystectomie, la fabrication d’une nano-vessie était moins efficace chez les femmes que chez les hommes. Il m’a suggéré de réfléchir en termes de qualité de vie pour faire mon choix.
J’ai réfléchi et j’ai choisi l’option de préservation de ma vessie. J’ai refusé la cystectomie et le protocole complémentaire de recherche en immunothérapie. J’ai rencontré un radiooncologue qui m’a dit que mes chances de survie avec ce traitement étaient équivalentes (au moins aussi bonnes) à celles suivant une cystectomie. Cette option n’enlève pas les risques de récidive mais de toutes façons, je savais que j’avais un cancer de haut grade et j’avais lu qu’un certain pourcentage des gens qui avaient fait enlever leur vessie avaient quand même eu des récidives du cancer.
J’ai entrepris la radiothérapie avec enthousiasme et confiance. J’ai eu 32 traitements entre le 5 mars et le 21 avril 2020. J’ai eu deux courts traitements de chimiothérapie, au début et à la moitié des traitements de radiothérapie. C’était une chimio portative qui durait 5 jours. Pas si pire. Ma radiothérapie s’est très bien passée : expérience sans douleur, personnel agréable et bon suivi. Par la suite, j’ai eu une cystite comme effet secondaire durant deux mois de l’été 2020. Mon radiooncologue m’a bien accompagnée et ça a fini par guérir.
Le Tep-scan du 30 juillet 2020 m’annonçait que j’étais en rémission. J’étais en pleine forme. L’été a été bon et on a ensuite fait un voyage dans l’ouest canadien avec notre fille en septembre. Le Tep-scan de février 2021 était lui aussi négatif. On a passé un très bel été 2021 à voyager avec notre nouvelle roulotte en se promenant aux USA, au Canada et au Québec.
Mais, mauvaise surprise, le Tep-Scan du 21 septembre 2021 a révélé la présence d’un petit nodule cancéreux (8 mm) sur le lobe inférieur de mon poumon droit. Le pathologiste a écrit que c’était déjà là en février 2021 (6 mm) mais que ça n’avait pas été repéré. J’étais catastrophée. Il fallait savoir s’il s’agissait d’une métastase de mon cancer de la vessie ou d’un cancer primitif du poumon. Une biopsie faite le 18 novembre a conclu à un cancer primitif du poumon. J’avais déjà fumé. Je trouvais ça moins pire. J’ai subi l’ablation du lobe touché par le cancer, le 13 décembre 2021. Trois jours à l’hôpital. Pas de grosses cicatrices. J’ai bien récupéré.
En mars 2022 (ça a été long), le rapport du pathologiste m’apprenait qu’il s’agissait non pas d’un cancer du poumon, mais plutôt d’une métastase de mon cancer de la vessie. Là j’ai paniqué. Je me sentais condamnée. Le mot métastase était effrayant et synonyme de phase terminale pour moi. J’ai discuté avec mon radiooncologue. Il n’était pas paniqué. Je voulais savoir ce qui pouvait et devait être fait. Il a consulté l’équipe multidisciplinaire. Il m’a fait passer un Tep-scan en urgence, le 17 mars. Le lendemain 18 mars, il m’appelait pour me dire que le Tep-scan était négatif, que le rapport indiquait qu’aucune cellule cancéreuse n’était détectée. Il m’a beaucoup rassurée. Il m’a expliqué que tout compte fait, mon cas n’était pas si grave ni compromis puisque c’était une métastase unique (oligométastase), qu’elle était petite, qu’elle avait progressé lentement et que là, elle avait été enlevée et qu’il n’y en avait pas d’autre. Selon lui, aucun traitement n’est pertinent pour le moment. On va juste faire un suivi de près. Cystoscopie, et Tep-scan dans 3-4 mois.
Je sais que je suis à risque d’avoir une ou plusieurs autres métastases mais je ne sais pas quand, ni dans quel organe cela se logera. Je refuse de m’inquiéter dans le présent pour un événement futur incertain. J’ai confiance que de mes médecins vont faire de leur mieux et que je saurai prendre les bonnes décisions au fur et à mesure. Je vis ma vie comme elle est. Mon conjoint ne dramatise rien. Il est avec moi. Mes enfants me témoignent leur amour. Mes frères et sœurs aussi. Je vais bien.
Leave a Comment